
Transformations chimiques lentes et rapides

1- Notion de cinétique d’une transformation chimique :
1-1-Mise en évidence :
Sur les bouteilles d’eau oxygénée (également appelée
peroxyde d’hydrogène) que l’on utilise comme antiseptique, il est parfois
inscrit « A conserver au frais ». Par ailleurs, ces bouteilles sont,
le plus souvent en verre teinté, afin de ne pas exposer l’eau oxygénée qu’elles
contiennent à la lumière. Si l’on cesse de respecter ces conditions de
conservation (flacon laissé au chaud ou ouvert), on va à la rencontre d’une
bien mauvaise surprise : au moment où l’on voudra utiliser ce
désinfectant, le flacon ne contiendra plus que de l’eau.
En effet, l’eau oxygénée, de formule H2O2
intervient dans les deux couples oxydant/réducteur
suivants : H2O2(aq)/H2O(l) et O2(g)/H2O(aq),
l’espèce H2O qui apparaît comme oxydant
dans le premier couple, et réducteur
dans le second, peut donc se dis muter, c'est-à-dire réagir sur elle-même lors
d’une réaction d’oxydoréduction où
elle joue à la fois le rôle d’oxydant et
de réducteur. Cette réaction est traduite par le bilan suivant :
2 H2O2(aq) à O2
(g) + 2 H2O(l)
Néanmoins, on peut, en prenant garde aux conditions de
stockage, conserver de l’eau oxygénée dans son armoire à pharmacie. Ceci s’explique
par le fait que la dismutation de l’eau oxygénée est une réaction lente.
On voit bien, sur cet exemple, qu’une transformation
chimique ne se fait pas forcément instantanément à l’instant de la mise en
contact des réactifs. Le paramètre temps joue en chimie ; la cinétique
chimique vise à étudier son influence.
1-2-Classement des transformations :
Les transformations chimiques se produisent de manière plus
ou moins rapide. Mais la qualification de « lent » ou de « rapide »
pour une transformation donnée est assez subjective. Elle dépend notamment de
la technique choisie pour suivre l’évolution du système réactionnel. On peut
toutefois proposer une classification.
Une transformation est considérée comme rapide si elle se
produit dès la mise en contact des réactifs : sa durée est inférieure à la
seconde. On pet citer en exemple les transformations acido-basiques, ou encore
les combustions.
Une transformation est considérée comme lente si l’on peut
suivre visuellement son évolution : sa durée est donc supérieure, voire
très supérieure, à la seconde. Un certain nombre de transformations rédox sont
lentes (notamment la dismutation de l’eau oxygénée que l’on a citée en
exemple). Certaines peuvent même durer plusieurs années, comme la formation de
la rouille (corrosion du fer par l’oxygène de l’air, en milieu humide).
2- Les facteurs cinétiques :
2-1-comment modifier la vitesse ?
Il peut être utile de modifier le caractère lent ou rapide d’une
transformation chimique. Il est parfois souhaitable d’accélérer ces
transformations, par exemple quand on veut optimiser le coût ou réduire la
durée de synthèses chimiques. Au contraire, on peut vouloir ralentir certaines
réactions destructrices telles que la corrosion ou l’oxydation des aliments. Pour
ce faire, on peut agir sur certains paramètres : les facteurs cinétiques.
Attention, modifier la vitesse d’une transformation chimique
ne signifie pas modifier sa faisabilité, non plus que son rendement. On ne
pourra ni réaliser une réaction thermodynamiquement impossible, ni augmenter la
quantité de produits obtenue en fin de réaction en modifiant des facteurs
cinétiques. Le seul effet obtenu sera la modification de la durée nécessaire
pour atteindre l’état final.
2-2-La concentration des réactifs :
Une augmentation de la concentration des réactifs augmente
la vitesse d’une transformation chimique. Au contraire, une diminution de la
concentration des réactifs réduit la vitesse d’une transformation chimique.
De manière générale, la vitesse d’une transformation ne fait
que décroître lorsque son avancement augmente. En effet, au fur et à mesure de
l’évolution, les concentrations en réactifs ne font que décroître, ce qui a
pour conséquence de ralentir sa vitesse.
Néanmoins, les réactions autocatalyses ne satisfont pas
cette propriété, non plus que certaines réactions s’accompagnant d’un fort
dégagement de chaleur (pour lesquelles le facteur cinétique température, vu
ci-après, peut l’emporter). On utilise parfois ce facteur cinétique dans le but
de stopper l’évolution d’un système chimique en vue de son analyse à un stade d’avancement
donné. On prélève une petite quantité de la solution constituant le milieu
réactionnel à la quelles on ajoute une importante quantité d’eau. La dilution
qui en résulte diminue fortement les concentrations en réactifs ce qui a pour
effet de ralentir considérablement, voire de stopper, la transformation en cours.
Néanmoins, on ne peut appliquer cette technique que si l’eau ne constitue pas
elle-même un réactif pour la transformation considérée.
2-3-La température du système chimique :
Une élévation de température augmente la vitesse d’une
transformation chimique, une diminution de la température la réduit. Nous verrons
une explication de ce phénomène dans la troisième partie, pour l’instant
contentons nous d’en voir deux applications largement utilisées en chimie.
·
La première est la trempe d’un système chimique. On réalise une trempe en prélevant
une petite quantité du système réactionnel dont on diminue brutalement la
température en le plaçant dans un bain de glace par exemple. Cette action a
pour effet de ralentir très fortement la vitesse d’évolution du système, et
donc de permettre le dosage du prélèvement en vue de déterminer sa composition
chimique au moment de la trempe.
·
La deuxième est le chauffage à reflux. Ce montage
est décrit plus précisément au chapitre 12. Il permet de chauffer le mélange
réactionnel, donc d’accélérer la réaction qui s’y produit, tout en ne perdant
ni réactif ni produits, grâce à la présence d’un réfrigérant à eau qui recondense
les vapeurs.
2-4-Autres facteurs cinétiques :
Lorsque la réaction chimique lente étudiée met en jeu une ou
plusieurs espèces gazeuses, la pression peut également influer sur la vitesse d’évolution
du système chimique.
Les radiations lumineuses peuvent également accélérer certaines
réactions (notamment la dismutation de l’eau oxygénée décrit précédemment).
Enfin, certaines substances sont susceptibles d’augmenter ou
de diminuer la vitesse d’évolution d’un système chimique, sans toutefois
intervenir dans le bilan global de la réaction. Ces espèces sont appelées
respectivement catalyseurs et inhibiteurs, nous reviendrons sur leur mode d’action.
2-5-Quelques illustrations dans la vie courante :
·
Conservation
des aliments dans un réfrigérateur : c’est le facteur température qui
intervient afin de ralentir le processus de dégradation des aliments. On peut
noter que des aliments congelés (température voisine de -18 °C) se conservent
plus longtemps que des aliments réfrigérés (température voisine de 4°C)).
·
Conservation
des cellules biologiques (ovules, spermatozoïdes) : c’est également le
facteur température qui intervient, l’agent réfrigérant est le diazote liquide,
dont la température est de – 196 °C.
·
Utilisation
d’un autocuiseur : la cuisson d’un aliment constitue une réaction
chimique. Cette cuisson se fait donc d’autant plus rapidement que la
température à laquelle elle a lieu est élevée. Un problème se pose néanmoins :
si la température est trop élevée, l’aliment considéré risque de carboniser, et
donc finalement d’être immangeable. Une solution couramment utilisée est de
réaliser la cuisson sous une atmosphère humide. Or, l’eau se vaporisant à 100
°C sous pression atmosphérique, on est limité à cette température pour une
cuisson à l’air libre. On enferme donc les aliments dans un autocuiseur,
enceinte permettant de placer l’eau et les aliments à cuire sous une atmosphère
de 2 bars (environ deux fois la pression atmosphérique), pression sous laquelle
l’eau reste liquide jusqu’à 120 °C environ. En peut alors cuire rapidement les
aliments, et sans risque de les carboniser.
·
Déclenchement
d’une réaction de combustion : certains mélanges comburant-combustible
sont inertes à température ordinaire (c’est le cas notamment du mélange (air +
vapeur d’essence) contenu dans les cylindres des moteurs de voitures à
essence). La combustion d’un tel mélange est déclenchée par une élévation de
température : c’est le rôle de l’étincelle apparaissant entre les
électrodes de la bougie. On peut aussi favoriser cette réaction en augmentant
la quantité d’essence au démarrage par le biais du starter de la voiture :
c’est alors le facteur concentration des réactifs qui est utilisé.
3- Interprétation microscopique :
3-1-Chocs efficaces :
Comme il a été vu en classe de seconde, les molécules d’un
liquide ou d’un gaz sont en mouvement permanent. Cette incessante agitation est
liée à la température et est appelée mouvement
brownien. Il en résulte que les différentes molécules d’un système
réactionnel liquide ou gazeux vont subir des chocs. Certains de ces chocs mèneront
à une rupture des liaisons des molécules de réactifs, suivie éventuellement d’une
réorganisation conduisant à la formation des produits : tels chocs seront
qualifiés de chocs efficaces.
Tous les cocs entre molécules de réactifs ne sont pas des
chocs efficaces. En effet, la rupture d’une liaison nécessite une certaine
énergie, appelée énergie d’activation. Un choc ne sera efficace que si la
vitesse des réactifs qui entrent en collision est suffisante pour conférer à l’ensemble
une énergie cinétique supérieure à cette énergie d’activation. Dans le cas contraire,
le choc est simplement élastique : les molécules de réactifs rebondissent
les unes sur les autres sans aucune modification de leur structure.
3-2-Influence de la concentration :
On peut visualiser l’influence de ce facteur en imaginant
une personne courant dans un couloir du métro. Si la course s’effectue à une
heure creuse, le couloir est peu rempli, peu de chocs se produisent entre
voyageurs, et le nombre de chocs suffisamment importants pour blesser un
voyageur est faible. Au contraire, si la course a lieu à une heure où le
couloir est bondé, les chocs vont être nombreux et les risques d’accidents vont
statistiquement augmenter.
De même, en augmentant la concentration des réactifs dans le
milieu réactionnel, il y a d’autant plus de chance de voir des molécules de
réactifs entre en collision, et donc, de voir se produire des chocs efficaces.
3-3-Influence de la température :
Elle intervient à deux niveaux. Tout d’abord, la température
est proportionnelle à l’énergie cinétique des molécules. Une élévation de
température augmente le nombre des chocs (efficaces ou non). Par ailleurs, l’élévation
de température augmente également l’efficacité des chocs. Le chauffage du
milieu réactionnel permet donc d’augmenter la vitesse d’évolution du système
chimique.
3-4-Cas d’un réactif solide :
Dans le cas où l’un des réactifs est un solide, on se rend
compte que la probabilité de rencontre avec les molécules des autres réactifs
augmente avec la surface de contact entre le solide et le soluté. Ainsi, plus
le solide est divisé, plus le nombre de chocs est grand et donc plus la
réaction se fait rapidement.
4- Définitions clés :
·
Oxydant : espèce chimique susceptible de
gagner des électrons
·
Réducteur : espèce chimique susceptible de
donner les électrons.
·
Couple oxydant/réducteur : à tout oxydant
(respectivement réducteur), on associe un réducteur (respectivement oxydant). Ces
deux entités sont liées par un certain nombre d’électrons échangés. On peut
écrire, pour tout couple oxydant/réducteur, une demi-équation électronique (qui
n’a pas de réalité chimique en soit, les électrons ne pouvant circuler
librement en solution) : Ox + n e-
à
Red le couple oxydant/réducteur, encoure appelé couple rédox, est noté Ox/Red.
·
Réaction d’oxydoréduction :
transfert d’électron(s) entre le réducteur d’un couple et l’oxydant d’un
autre couple.
·
Facteur cinétique :
paramètre permettant d’influer sur la vitesse d’une réaction chimique.
·
Trempe d’un
système chimique : quasi-arrêt (très fort ralentissement) de l’évolution
d’un système chimique par diminution brutale de la température du milieu
réactionnel.
·
Mouvement
brownien : mouvement aléatoire et désordonné des particules dans un
liquide ou dans un gaz, résultant des chocs continuels entre les différentes
particules, et d’autant plus intense que la température est élevée.
·
Choc efficace :
rencontre de deux molécules de réactifs menant effectivement à la rupture et/ou
à la réorganisation des atomes la constituant en un produit de la réaction (ou
en une espèce intermédiaire qui pourra mener à un produit de la réaction.